Économie : Mayotte paie le prix de sa fragilité et de ses crises à répétition

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Une année 2023 qui avait bien commencé et qui s’est essoufflée peu à peu

L’année 2023 avait commencé sur la même lignée que 2022 avec une conjoncture économique assez favorable pour les ménages et les entreprises de notre territoire. C’était malheureusement sans compter sur des facteurs exogènes comme le renchérissement du coût du crédit (ndlr : du fait d’un resserrement de la politique monétaire) ou encore sur les différentes crises propres à Mayotte, à l’image de l’opération Wuambushu, de la crise de l’eau et aussi de la hausse de l’insécurité. « Ces chocs successifs ont dégradé progressivement à la fois la confiance des chefs d’entreprise mais également le moral des ménages, explique Patrick Croissandeau, directeur de l’IEDOM de Mayotte. Wuambushu a été une source d’inquiétude pour le commerce, la crise de l’eau a eu un impact direct sur les entreprises, quant à l’insécurité qui s’est accrue en fin d’année dernière elle n’a fait qu’accentuer la baisse de confiance des ménages et des entreprises ».

Ainsi le climat des affaires a nettement baissé au cours du 2nd trimestre 2023 selon l’IEDOM puisque l’indicateur du climat des affaires (ICA) est tombé à 94 points, « nettement en dessus par rapport à 2022… L’activité globale a baissé et les trésoreries des entreprises se sont rapidement dégradées », poursuit le directeur de l’IEDOM. Même si l’inflation a nettement diminué à la fin de 2023 avec 2,7% (contre 3,6% en moyenne au cours de l’année), cela n’a pas permis de relancer la consommation des ménages. Aussi, l’importation des produits courants (alimentaire, habillement, etc.) a légèrement augmenté de 3,3% en 2023, mais ce n’est rien comparé à 2022 où il y avait eu une hausse de 17,7%.

De plus, l’importation des biens d’équipement du foyer est en net recul avec -21,1% alors qu’elle avait progressé de 16,4% en 2022. « Cela est dû à une hausse des prix et à une baisse de la confiance. Les gens se sont orientés sur des choses essentielles… La crise de l’eau et l’insécurité grandissante n’ont fait qu’alimenter cette spirale en entrainant ainsi une baisse de la demande ». En revanche, toujours d’après l’IEDOM, les ménages en ont profité pour épargner davantage, notamment en versant de l’argent liquide sur les livrets puisqu’on remarque une hausse de 14,5% en 2023 alors qu’elle n’était que de 9,5% en 2022.

Pour les entreprises la situation est un peu similaire à celle des ménages, même si les carnets de commande ont été bien remplis, notamment dans le secteur du bâtiment, les trésoreries sont extrêmement fragiles. « Les délais de paiement sont beaucoup trop longs, cela dépasse souvent la limite légale de 45 jours et cela va parfois même jusqu’à 180 jours… Cela fragilise considérablement les petites entreprises qui ne peuvent se constituer de trésorerie et accroit les incertitudes quant aux perspectives d’avenir », déplore le directeur de l’IEDOM.

2024, une année de transition ?

Le blocage de l’île avait paralysée l’économie de l’île

« Le début de l’année 2024 a été marqué par six semaines de blocage ayant paralysé l’économie du département. Les effets de ce nouveau choc viennent entamer davantage la confiance des chefs d’entreprise. Ils fragilisent à nouveau un tissu économique déjà confronté à de nombreux handicaps (problème de recrutement, absence de foncier, manque d’infrastructures, …). Dans ce contexte, l’année 2024 s’annonce difficile », déclare Patrick Croissandeau. En effet aux prévisions pessimistes de ces premiers mois viennent s’ajouter un rebond de l’inflation (+3,1% au 1er trimestre) et une hausse des prix du fret qui ne laissent pas présager une conjoncture économique favorable. Les trésoreries, déjà mises à mal, pourraient à nouveau être fortement impactées. Sans compter que le manque de main d’œuvre qualifiée fait cruellement défaut sur notre territoire. « Environ 2/3 des entreprises souffrent de problème de recrutement et ce à tous les niveaux. L’année 2024 sera une année de reprise tardive et difficile ».

Cependant, le directeur de l’IEDOM de Mayotte se veut quand même optimiste pour les mois qui viennent. « Au 2e trimestre l’économie sera plus sereine avec une hausse des créations de richesses qui impacteront forcément de façon positive les entreprises. Aussi le défi majeur auquel est confronté le territoire pour 2024 et les années à venir réside dans sa capacité à créer les conditions d’un développement économique durable et soutenable ». Pour l’IEDOM, cela doit passer par un développement de l’attractivité de l’île en se focalisant sur l’offre de soins, l’éducation, la baisse de l’insécurité…, mais aussi par une accélération de la réalisation des projets structurants et par un accompagnement plus important des entreprises, « il faut les aider à grandir, à changer de dimension ». Patrick Croissandeau insiste aussi sur la nécessité de développer l’industrie sur l’ensemble du territoire mahorais, notamment dans l’agroalimentaire, la pêche, l’agriculture, ou encore la construction, et de continuer à promouvoir le secteur du tourisme qui à cet égard pourrait peut-être montrer la voie…

B.J.

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